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Entre guerre et paix, la culture de la médiation peut-elle faire évoluer nos démocraties?

Face aux tigres qui croient aux seules vertus de l’agressivité et aux sceptiques qui se retranchent dans leur cocon, l’espace des porteurs de paix s’est rétréci.

Comme observateurs de nos sociétés, nous pouvons voir que nous sommes en déséquilibre. Ce n’est pas nouveau mais nous en sommes davantage conscients que par le passé. Ces déséquilibres ne sont pas seulement des « crises », économique, sociale, financière, écologique, énergétique, climatique, … il s’agit aussi de notre capacité à faire société; comme si nous touchions à certaines limites de nos modèles. De nombreuses études montrent une insatisfaction, une peur et une perte de confiance dans la politique, « la » science, les médias, la police… Or la confiance est nécessaire à la vie sociale et les lieux où imaginer de façon efficace et créative des évolutions qui conviendraient à tous deviennent très compliqués à trouver.

Dans ce contexte où les camps s’affrontent parfois de plus en plus durement, il peut sembler logique de croire que, pour certains sujets ou avec certaines personnes, le dialogue n’a pas sa place. Soit que l’importance de ces sujets ne tolérerait aucun « compromis », soit que les personnes auxquelles on s’oppose ne seraient pas dignes de confiance.

Des modèles plus ou moins démocratiques

Là où nous vivons, nous héritons d’un fonctionnement politique issu d’une histoire complexe. Aujourd’hui, devant les insatisfactions grandissantes, certains en appellent à des personnalités providentielles qui disposeraient de davantage de pouvoir, d’autres souhaitent être mieux impliqués dans les processus de décision. Pour la participation citoyenne, des expériences locales (référendums et consultations populaires, budgets participatifs, etc.) sont déjà menées. Mais il n’y a pas encore de nouveau modèle convaincant et fédérateur qui servirait de repère largement partageable.

La médiation au cœur de l’institution démocratique

Il est temps aujourd’hui de nous poser la question : comment pouvons-nous mieux nous entendre et donner une meilleure place, plus constructive, aux oppositions parfois radicales? Faire en sorte que chacun et chacune, avec ses propres opinions et ressentis, trouve une place qui lui convienne, se sente entendu et respecté, au même titre que les autres, dans une société plus démocratique et durable. Il ne s’agit donc pas seulement de se retrouver face à face mais aussi ensemble.

Faire le choix courageux de la médiation et placer au cœur de nos institutions, au-delà de la représentation des points de vue différents et des compétences complémentaires, une vraie force d’écoute active, professionnelle, indépendante et neutre, pour à la fois ouvrir et structurer le dialogue, rendrait ces institutions plus créatives et fécondes.

En médiation, les personnes sont invitées à s’écouter mutuellement et à se mettre à distance de leurs positions pour formuler des propositions qui intègrent aussi bien leurs propres aspirations et besoins que ceux des autres. Le rôle des médiateurs et médiatrices, qui garantissent cette démarche de façon professionnelle en s’appuyant sur une solide formation, est d’une part de proposer une méthode de travail structurée et d’autre part de gérer la communication entre les personnes pour les aider à développer des solutions sur mesure. Ce processus est facilité par l’écoute active et la position humble et neutre des médiateurs et médiatrices qui centrent leurs efforts sur la compréhension des besoins de chacun et sur la reformulation, audible par tous et toutes, de ces besoins. C’est un « processus de communication éthique qui repose sur la liberté et la responsabilité des personnes concernées »*.

La culture de la médiation pour ouvrir la voie

Nous-même, quand nous rencontrons des désaccords, notre attitude se réduit souvent à exprimer de manière brute notre point de vue sans vraiment essayer de comprendre celui de l’autre, surtout lorsque cet autre est très différent de nous.

Alors, pourquoi ne pas expérimenter cette position de médiateur ou médiatrice, quand nous nous retrouvons entre amis, en famille ou avec nos voisins par exemple ? Pendant un moment, faire abstraction de notre propre position et faciliter le dialogue par une écoute active et bienveillante. Ce processus de médiation permet souvent de faire émerger une ou plusieurs issues nouvelles qui sont coconstruites en tenant compte, même de façon marginale mais satisfaisante quand-même, du point de vue de chacun et chacune.

Dès lors, si l’un ou l’autre veut bien faire cet effort à son niveau, diffuser cette culture et être un agent de paix dans son entourage en développant ces qualités, notre vie pourrait s’en trouver améliorée.

L’enjeu est d’humaniser nos démocraties en commençant par offrir à chacun la possibilité d’y trouver sa place.

Signatures : Michèle Guillaume-Hofnung, Daniel Courbe, Stéphanie Demoulin, Goéric Timmermans, ...

Pour cosigner la lettre cliquez ici.

*Michèle Guillaume-Hofnung définition élaborée en 2011 pour la Conférence des Organisations Internationales Non Gouvernementales du Conseil de l’Europe.